Le sillet

Le sillet, c’est peut-être un détail pour vous, mais ça ne va pas le rester longtemps…

Le sillet, donc, est la pièce sur laquelle reposent les cordes à la tête de manche. Cette pièce, aussi insignifiante puisse-t-elle sembler, est un élément majeur de stabilité de l’accordage, de couleur tonale et même d’intonation de la guitare.

Le sillet, c'est ce truc ivoire, là. Petit, mais costaud.

Le sillet, c’est ce truc ivoire, là. Petit, mais costaud.

Quelles sont les fonctions du sillet?

Tout d’abord, cette pièce maintient les cordes au niveau de la tête de la guitare, déterminant leur écartement en bas de manche (l’écartement à l’autre bout du manche étant déterminé par le chevalet) et supporte la tension des cordes en provenance des mécaniques.

En fonction des types de guitare et de jeu, on va trouver des sillets allant de 42 à 44 mm de large (si vous souhaitez connaître votre largeur de sillet, reportez-vous à cet ingénieux document gracieusement offert par Stewart-MacDonald, un des plus grands sites de fournitures pour luthiers)

Les cordes sont espacées de façon homogène selon des formules complexes (la largeur de chaque corde étant prise en compte), dont on se passera aisément en ayant recours à des gabarits tous faits.

Les cordes sont guidées par des encoches dont l’inclinaison, la largeur et la profondeur dépendent du type de tête et du type de confort désiré par le guitariste.

Courbure idéale des encoche de sillet, par Paul Hostetter

Ainsi, sur les guitares dont la tête forme un angle par rapport au manche, on devrait trouver une inclinaison des encoches afin de faciliter la glisse de la corde ainsi que de diminuer les tensions angulaires comme le montre le schéma ci-contre, qui n’est pas de moi mais de Paul Hostetter, luthier de son état)

Le sillet va pouvoir être placé en bout de touche (type Gibson ou bloc-cordes)

Sillet de Type Gibson, en bout de touche.

Sillet de Type Gibson, en bout de touche.

Sillet bloc-cordes, utile si on utilise le vibrato de façon intensive.

Sillet bloc-cordes, utile si on utilise le vibrato de façon intensive.

ou bien sur la touche elle-même (type Fender)

Sillet de type Fender, sur la touche.

Sillet de type Fender, sur la touche.

où il tiendra la majorité du temps grâce à un point de colle facile à faire sauter en cas de remplacement.

Le sillet fait aussi fonction de « frette zéro » et détermine donc le son des cordes « à vide » (quand on fait vibrer une corde sans placer de doigt sur le manche).

Le matériau du sillet étant différent de l’acier des frettes, une corde jouée « à vide » est réputée sonner différemment d’une corde frettée (ça et le fait que la corde soit plus solidaire du manche sur le sillet que sur une frette).

Le sustain est généralement plus long à vide, ce qui donne en règle générale une couleur inégalable aux accords contenant des cordes « à vide » mais je m’égare, et pas seulement Montparnasse (© Desproges).

Quelques fabricants ont d’ailleurs fait le choix d’un vraie « frette zéro » identique aux autres frettes, le sillet étant reculé vers la tête du manche.

Un exemple de frette zéro : les guitares Vigier, qui privilégient ce type de combinaison sillet + frette zéro (celle-ci étant de plus interchangeable) ©Vigier France

Le sillet détermine également la hauteur des cordes en bas de manche, hauteur qui est le fruit d’un savant équilibre entre facilité de jeu (cordes au plus près de la touche) et frise (quand une corde est trop basse, on obtient un « grésillement » métallique quand celle-ci vibre car l’amplitude de la vibration la fait toucher une frette non désirée).

Cette hauteur (qu’on appelle « action ») des cordes va également jouer sur la justesse des cordes frettées en bas de manche : plus les cordes sont éloignées du manche, plus il faut les tendre pour les plaquer contre les premières frettes, ce qui aboutit à un manque de justesse principalement sur les accords mélangeant cordes frettées et cordes « à vide ».

Le sillet remplit enfin une dernière fonction, mais pas la moindre : celle de permettre aux cordes d’avoir une tension stable une fois accordées, et c’est là que le bât blesse la plupart du temps.

Combien de fois avez-vous ramé pour accorder votre guitare, certaines cordes semblant passer de « trop tendue » à « pas assez » et réciproquement en agissant sur les mécaniques?

Combien de fois, la guitare parfaitement accordée, vous êtes-vous retrouvé avec une corde fausse après un bend appuyé, voire plusieurs cordes à l’ouest après quelques dizaines de minutes de strumming acharné?

Combien de fois avez-vous blâmé vos mécaniques pour le manque de tenue de l’accord?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est la plupart du temps le sillet qui est en cause, pas les mécaniques.

En effet, le sillet peut bloquer le libre mouvement d’une corde : si l’encoche est trop étroite ou que le matériau du sillet « accroche » la corde (ou le filetage de celle-ci), il est fréquent de se retrouver avec une guitare fausse après un 1er bend appuyé, celui-ci ayant fait se déplacer significativement la corde dans son encoche sans qu’elle retourne à sa position d’origine après le bend. Ce problème est bien évidemment encore plus sensible sur les guitares munies de chevalet mobile (vibrato), ce qui a donné lieu à des solutions extrêmes ou le sillet maintient les cordes fermement (sillet bloc cordes de type Floyd Rose).

Les matériaux

Non, pas ceux qu’on vend chez Gedimat; les matériaux nobles, comme le plastique ou l’ornithorynque.

De nombreux avis circulent sur l’influence du matériau utilisé pour fabriquer le sillet, et sur l’intérêt d’une lubrification des encoches destinées aux cordes.

Autant le choix du matériau reste assez subjectif, chacun ayant ses préférences personnelles, autant il apparaît qu’un des points cruciaux pour la tenue de l’accord soit bel et bien la glisse des cordes dans les encoches. Voici un petit aperçu non exhaustif des types de sillet que vous pourrez trouver dans le commerce.

les traditionnels

le plastique (crap) :

Le plastique, c'est fantastique, mais pas pour le sillet

Le plastique, c’est fantastique, mais pas pour le sillet.

d’origine sur la plupart des guitares d’entrée et de milieu de gamme, il remplit la plupart des fonctions du sillet (position des cordes, action) sans avoir de qualités particulières au niveau du son ou de la justesse. Un type de plastique « connu » est le Delrin™, une marque de Dupont de Nemours™ qui correspond au polyoxyméthylène (POM).

Pour : le prix très bas, facile à travailler, existe en toutes tailles avec les encoches déjà présentes. Peut avoir de légères propriétés antiadhésives.

Contre : tonalité plate voire « boueuse » (« muddy »), le sillet est parfois creux ce qui nuit aux propriétés mécaniques de la bête, sustain et transmission des vibration faibles.

l’os (bone) :

L'os, la Rolls du sillet.

L’os, la Rolls du sillet.

le sillet typique des guitares de bonne qualité, l’os a des qualités tonales reconnues par l’ensemble de la profession.

Pour : son chaud et brillant à la fois, définition accrue dans tous les registres, très résistant à l’usure et très bonne transmission des vibrations et très bon sustain.

Contre : il faut parfois le faire faire sur mesure par un luthier à moins d’avoir une gratte super-standard (Strato ou Les Paul), et dégage une odeur désagréable en étant travaillé (vous aimez la roulette chez le dentiste?). Bon, on mégote, il n’y a pas vraiment de défaut à l’os à par son manque de lubrification, facilement contournable. Ah si : comme c’est de l’os, il y a une certaine inconsistance dans le matériau, en fonction de chaque os dans lequel on a prélevé le sillet.

l’ivoire (ivory) :

L'ivoire, ou la préhistoire au bout de votre mangue.

L’ivoire, ou la préhistoire au bout de votre manche.

très proche de l’os dans ses qualités mécaniques. Petite précision : il s’agit d’ivoire de mammouth (espèce déjà éteinte) car le commerce d’ivoire d’éléphant est extrêmement réglementé depuis longtemps (1976 je crois), l’espèce étant en voie d’extinction à cause, précisément, du trafic d’ivoire. L’ivoire d’éléphant vaut donc très cher, on utilise donc généralement de l’ivoire fossilisé. Ultra-cher aussi, d’ailleurs.

Pour : Le son semble chaud et doux, d’après les retours des utilisateurs, il est également très résistant à l’usure, transmet bien les vibrations et offre un bon sustain.

Contre : sur mesure et cher. Pas de lubrification.

l’ébène (ebony) :

Du beau bois… un peu l’aristocratie du sillet.

un bois très dur et très noble dans la lutherie. Enfin, pour les violons.  Et les contrebasses par exemple…

Pour : sonorité intéressant, principalement dans les fréquences médium.

Contre : Certains disent qu’il s’use vite, d’autres qu’ils n’ont pas constaté d’usure (surtout chez les bassistes). Apparemment un peu dur à travailler. Non lubrifié.

les composites

Bon, là on rentre dans la technologie au service de la gratte. Non, pas le plastique, les autres trucs.

le micarta (idem) :

Le mircarta, utilisé par Martin et vendu chez StewMac. Apparemment, un substitut synthétique à l’os.

« Le Micarta est un matériau composite à base de papier ou de coton mélangé avec de la résine phénolique » (source Wikipedia). Houla, ça fait flipper, non? Et bien non. Ce n’est pas une matière très noble, mais si des fabricants comme Martin l’utilisent, ça doit pas être si pire*…

Pour : ils en vendent chez StewMac, ça doit valoir quelque chose. Je suis curieux d’avoir des avis dessus. Jamais testé. Il semblerait que ce soit assez pratique à travailler. Surtout en grande série (suivez mon regard).

Contre : apparemment, ça manque de sustain et de définition. Oui, comme le plastique. Non lubrifié.

le corian™ (idem) :

Le Corian™ et ses coloris. Je crois qu’il en existe de bien plus rigolos. Bien entendu, c’est total copyright Dupont de Nemours®.

bon, là on est carrément dans le matériau qui sert à fabriquer les plans de travail.

Solide, probablement.

Résistant au feu, sûrement.

Minéral de synthèse fabriqué par Dupont de Nemours®, ça tape, non? Le coup du minéral de synthèse, hein.

Pour : sond rond, sustain accru, résonnant. Côté fun : disponible en un tas de couleurs chatoyantes et bigarrées. Utilisé par de grandes marques de grattes. Et aussi proposé par Warmoth, qui sont tout sauf des guignols. Se travaille comme l’os. Mais pue moins.

Contre : un poil cher passé le simple échantillon si on veut un coloris spécifique. Non lubrifié.

l’ivoire de synthèse (Tusq™) :

Le Tusq™, ivoire synthétique fabriqué par Graph Tech®. Un classique.

bien que la traduction de tusq soit « défense », un certain fabricant de pièces pour guitare (bon, allez, j’ai des actions chez personne, c’est Graph Tech) propose ce matériau, très populaire chez les fabricants et les guitaristes.

A noter, existe aussi en version lubrifiée, se reporter à la section suivante pour plus d’information.

Pour : son chaud avec une définition accentuée des basses et les « high mids ». Bon sustain et bonne transmission des vibrations. Existe dans tout un tas de formats pour remplacer directement le sillet de VOTRE guitare.

Contre : très loin du véritable ivoire, d’après les ultra-bourgeois qui ont un sillet en vrai ivoire d’éléphanteau tué sous la mère. Ils ont sûrement raison, mais il est difficile de casser son PEL pour le vérifier.

Les auto-lubrifiés

Eh oui, le grand truc qui manque aux matériaux précédents, c’est la lubrification (vous suivez, ou pas?) Il y a des moyens pour améliorer ça (prochain article de TGGG), mais le plus simple est probablement d’intégrer le lubrifiant directement dans le matériau lui-même, se sont dit les fabricants, pas cons.

D’autant que certains matériaux sont naturellement glissants (c’est fou, non?)

le graphite (idem) :

Un sillet graphite de chez DiMarzio®. Image Woodbrass.

ah, ben tout simplement. Ce bon vieux carbone. Eh oui, sous cette forme, le carbone est glissant, et donc « auto-lubrifié ».

Pour : auto-lubrifié, bonne densité, bon sustain. Très utile devant une frette zéro. Très durable, en plus ça stocke du carbone, donc c’est écolo. Ben quoi?

Contre : Son décrit comme parfois assez « étroit ».

le TUSQ XL™ (idem) :

Le logo du Tusq XL™, une marque de Graph Tech.

c’est la version lubrifiée du TUSQ, l’ivoire artificiel fabriqué par Graph Tech (mais si, vous venez de le lire, suivez un peu !).

Ils ont tout simplement incorporé du Téflon™ (une des matière les plus glissantes au monde) à leur Tusq™.

Originellement noir, le Tusq XL est maintenant disponible en blanc et ivoire aussi : c’est pas wonderful, ça?

Pour : auto-lubrifié, bon comportement sonore.

Contre : finit par s’user si on est un super-pro qui tourne 200 jours par an.

le Téflon™ (Teflon®™)

Le Teflon™, super dans ma poêle, bien aussi dans mon sillet…

le bon vieux revêtement de nos poêles antiadhésives, aussi appelé Polytétrafluoroéthylène (à vos souhaits) ou PTFE.

On l’utilise noyé dans la masse du sillet (ce qui permet de garder la lubrification en retravaillant le sillet) ou bien sous forme de graisse à mettre dans les encoches de sillet afin d’en faciliter la glisse. Ah oui, c’est encore un brevet Dupont de Nemours™ appliqué au sillet. Ils sont partout.

Pour : ben, ça glisse.

Contre : ben, tout seul, ça fait pas un sillet… Autrement dit, vous ne le trouverez que chez certains fabricants.

Earvana

Deux sillets de type Earvana™. Franchement, moi, je suis fan.

la même chose que le Tusq XL, grosso modo, sauf que le sillet est compensé, on en reparlera plus loin.

Ils déclarent que la matériau utilisé est 5 fois plus glissant que le graphite C’est possible.

En tout cas, c’est très correct (opinion personnelle) et en plus la guitare est juste, enfin. (à noter, ils viennent de proposer une version « bloc-cordes » que je vais tester sous peu, à suivre).

Pour : sonne à mi-chemin entre l’os et le graphite. Pas si mal, pour un truc qui est avant tout une amélioration de l’intonation.

Contre : pas cool si vous avez une gratte pas standard,vous devrez vous tourner vers la version »retro-fit » que je trouve assez inesthétique. Enfin, ça reste un sillet, hein…

D’autres matériaux composites existent, ou émergeront dans les prochaines années ‘Techron, et tout un tas d’autres matériaux qu’on peut tester pour la fabrication d’un sillet.

Les métalliques

le laiton (brass)

Le laiton, un métal totalement Steampunk. Bon, on fait des saxophones avec, aussi….

un classique de ceux qui veulent se rapprocher du son fretté

Pour : sustain énorme, sonorité très froide mais très définie dans les basses, bonne transmission des vibrations. Considéré comme assez bon lubrifiant.

Contre : la sonorité peut ne pas plaire.

l’aluminium (aluminum aux US, idem en GB) :

Sillet en aluminium : la haute technologie mise dans une guitare….

utilisé dans l’aerospatiale, quelques originaux ont souhaité essayer ce matériau pour tout faire : des corps de guitare, des manches, des cordiers, et aussi des sillets. Parfois utilisé en alliage avec le laiton.

Pour : très proche d’une frette zéro, sustain, brillance, métaaaaal !

Contre : à moins d »être tourneur-fraiseur dans l’industrie, vous aurez du mal à trouver un sillet pour votre gratte.

le block cordes (locking nut)

Sillet bloc-cordes, utile si on utilise le vibrato de façon intensive.

Sillet bloc-cordes, utile si on utilise le vibrato de façon intensive.

indissociable du vibrato de type Floyd Rose™, ce sillet en métal (acier) a pour principal intérêt de… Tadaaaa ! Oui, bloquer les cordes (oh surprise).

A l’aide de trois palets presseurs serrés contre le sillet par des vis à tête hexagonale (ce qui justifie de se promener avec un set de clés allen avec soi), ce sillet va maintenir les cordes au niveau de la tête aussi sûrement que le chevalet les retient à l’autre bout, permettant toutes les fantaisies au vibrato, que les cordes soient tirées ou poussées…

A noter : pour que ce sillet fonctionne bien, la présence d’une barre de rétention sur la tête est indispensable afin que les cordes fassent un angle suffisant pour plaquer les cordes au sillet. Sinon, des phénomènes parasites sont parfois à déplorer (résonances induites, buzz etc.)

Pour : allez-y à fond, ce sillet vous permet toutes les fantaisies acrobatiques.

Contre : quasi-impossible à modifier. A traiter avec délicatesse (ne pas serrer les palets trop fort)

le « roller nut » (idem)

Quitte à ce que les cordes glissent, autant qu’elles le fassent sur des roulettes, non? C’est le principe du « roller nut ».

Un roller nut ABM, disponible chez Thomann à qui j’ai piqué la photo. Honte sur moi.

Existe chez un certain nombre de fabricants : Fender (le très fameux LSR™), Wilkinson (inventeur du concept me semble-t-il, apparemment ce modèle n’est plus en vente), ABM (vous non plus ne connaissiez pas cette marque?). Ce sillet remplit donc la double fonction de frette zéro et de sillet « lubrifié » puisque les cordes reposent sur les rouleaux qui empêchent toute forme de blocage de la corde dans les gorges du sillet.

Pour : améliore franchement la glisse des cordes au niveau du sillet, bon sustain, tonalité frette zéro ou laiton.

Contre : prix, impose parfois une modification du manche irréversible.

Une petite précision, toutefois : le sillet n’influence, bien entendu, que la tonalité des cordes « à vide ». Ça semble évident une fois dit, mais certains semblent lui donner des propriétés magiques.

Quand une corde est frettée, c’est la frette qui donne la tonalité et non plus le sillet. L’influence tonale du sillet est donc limitée à… 6 notes par manche !

Autrement dit, autant privilégier les sillets lubrifiés et/ou compensés, à mon humble avis. Reste leur usure prématurée, dixit Guthrie Govan (qui est loin d’être un manchot) en conditions d’utilisation intensive. Lui privilégie un sillet en os avec la fameuse « nut sauce ».

On improvise, on s’adapte, on domine !

Bon, on a vu précédemment ce qu’est le sillet, à quoi il peut servir et en quoi on peut le fabriquer. Il nous reste maintenant à déterminer ce qu’on peut faire pour l’améliorer. Si la guitare ne tient pas l’accord, on peut suspecter le sillet d’en être responsable. On peut s’apercevoir de ce type de problème quand la guitare se désaccorde après un bend, qu’elle se désaccorde après avoir utilisé le vibrato, qu’elle se désaccorde après quelques minutes de jeu voire qu’on arrive carrément pas à l’accorder. NB : Attention, chaque problème n’indique pas forcément et/ou uniquement un problème de sillet, d’autres causes peuvent en être responsables.

On tiiiiire sur la corde. Et on relâche. On tiiiiire sur la cord….

– on peut déjà tirer sur les cordes à l’accordage, jusqu’à obtenir une bonne stabilité de tension. C’est le geste qui sauve quand on change les cordes de sa guitare, ne serait-ce que pour bien les caler dans les gorges des mécaniques. Il suffit de tirer sur vos cordes (jusqu’à 4-5 cm du corps par exemple) jusqu’à ce que l’accordage soit stable.

Si les cordes continuent à « bloquer » dans le sillet, il faut alors peut-être le lubrifier, plusieurs solutions se présentent alors :

Le crayon à papier, l'arme la moins coûteuse du luthier.

Le crayon à papier, l’arme la moins coûteuse du luthier.

le savon de Marseille, un lubrifiant étonnant.

– le crayon à papier dans les gorges (encoches) : le graphite étant un lubrifiant, un coup de crayon à papier dans les gorges du sillet fait souvent des miracles. le plus gras possible sera le mieux (de B4 à B6 par exemple)

– le savon de Marseille : certains luthiers ne jurent que par lui : frottez un savon de Marseille sec contre les encoches du sillet, et un peu de savon se déposera dedans et lubrifiera le sillet un moment.

Gewa Teflon

La graisse de Téflon de chez Gewa.

– le téflon pour sillet : bon, ben on continue avec les produits lubrifiants. Là, on est quasiment au max, vu que c’est de la poudre de Teflon qui est un des matériaux les plus lubrifiants au monde. Gewa en vend dans une seringue prête à l’emploi.

Nut_Sauce

La « Nut Sauce » de chez Big Bends. Utilisée par les plus grands.

– la « nut sauce » : devenu un terme presque générique, il correspond à des solutions contenant des tas de super produits pour lubrifier votre sillet.
La plus connue vient de chez Big Bends, mais il en existe d’autres (René Martinez, GHS etc.)

Si tout cela ne suffit pas, il va falloir passer à des choses plus sérieuses : la modification du sillet. Celle-ci est également nécessaire quand l’action des cordes est trop élevée au-dessus de la 1ère frette, ou qu’au contraire on a une frise car le sillet est trop bas. Petit rappel, les gorges du sillet doivent être inclinées vers la tête pour que le bord du sillet contre la touche soit le pont de contact avec la partie vibrante de la corde selon le schéma suivant :

Inclinaison des gorges du sillet selon Paul Hostetter

les cordes doivent d’ailleurs être posées sur des encoches dont la profondeur doit correspondre au rayon de la corde (la moitié de son épaisseur, donc).

C’est compliqué avec des mots? Appelons le dessin à notre secours :

La seule bonne façon de faire une gorge de sillet, selon Paul Hostetter.

En gros, la corde ne doit pas être « noyée » dans le sillet, et les gorges doivent être rondes et à la taille de la corde qui est sensée s’y loger. Autrement dit, si vous n’avez pas les limes prévues pour, confiez le travail à un luthier.

les limes de chez… ben toujours le même, hein.

Si vous avez les limes correspondant aux tailles des cordes que vous utilisez (qui sont exprimées en 1/100 pouces, soit 0,0254 mm), vous pouvez vous lancer dans l’opération sachant que la règle est toujours la même : allez-y doucement.

Un ou deux coups de lime, on remet la corde, on vérifie la hauteur au-dessus de la 1ère frette et on recommence.

Pour mesurer la hauteur en question, l’outil de luxe est un truc de chez StewMac. Sinon, il y a aussi les bonnes vieilles jauges d’épaisseur dont on se sert habituellement pour entretenir les bougies auto. Beaucoup moins cher, parce que vous trouverez ça chez n’importe quel magasin de bricolage.

Des jauges à bougie. Pas chères et idéales pour mesurer l’action des cordes à la 1ère frette.

Voici les conseils de Stewart-MacDonald concernant cette hauteur à la 1ère frette, respectivement en dessous de la Mi grave puis de la mi aiguë :

Guitare électrique : 0,6mm au-dessous de la mi grave et 0,25mm au-dessous de la mi aiguë

Guitare folk : 0,6mm et 0,35mm

Guitare classique : 0,8mm et 0,6mm

Guitare basse : 0,55mm et 0,5mm

Enfin, vous pouvez carrément changer de sillet si le vôtre est cassé.

Il est assez rare de pouvoir le réparer, car la cassure part fréquemment d’une gorge, et restera un point faible, sans compter « l’intégrité » du sillet lui-même. C… comment ça, vous voulez le réparer quand même?!? OK, vous l’aurez voulu.

Pour savoir vers où vous orienter si vous cherchez à remplacer la bête, il y a la section précédente.

En ce qui concerne le choix du sillet, le plus simple est encore de comparer le votre avec les plus répandus.

Voici un petit document (en anglais) qui vous aidera à faire ce choix. J’ai ainsi pu constater que le sillet que je viens de casser sur ma 1ère guitare en tentant une planification des frettes est équivalent à un Gibson de 35,56mm avec un radius de 12″. Alors que c’est une vieille Aria Pro II des années 80.

Après, il n’y a plus qu’à faire un échange standard :

– on fait sauter le précédent sillet d’un petit coup de marteau sur une cale en bois (JAMAIS taper directement dessus). Attention, si ce sillet est incrusté dans la touche, il est souvent collé. Il faut parfois utiliser des tenailles pour le faire sortir, après l’avoir scié en deux dans le sens de la longueur. De plus, sur les touches vernies de type Fender (érable, ou maple) il faut souvent mettre un petit coup de cutter (ou d’X-Acto) le long du sillet pour pouvoir décoller le sillet qui tient aussi par le vernis.

– on met en place le nouveau sillet et on lime ce qui ne va pas (courbure de la touche, épaisseur ou hauteur trop prononcée).

– on met juste un ou deux points de super glue pour que ça ne tombe pas au changement de cordes, mais qu’on puisse encore le retirer si besoin.

Si vous souhaitez plus de précisions sur la marche à suivre, je ne vais pas tarder à changer celui que je viens de casser, je ferai donc un reportage photo.

22 réflexions sur “Le sillet

  1. Très intéressant comme article ! bravo !
    Juste un truc :
    “un bois très dur et très noble dans la lutherie. Enfin, pour les violons. Et les contrebasses par exemple…”
    Les touches des guitares sont bien souvent (et même le plus souvent) en ébène

    • Très juste ! J’avais à l’esprit les sillets et chevalets des violons, mais il est vrai qu’une touche en ébène est tout sauf rare dans une guitare de moyen ou haut de gamme. Merci pour cette précision, je ferai une correction sous peu, histoire que les articles s’enrichissent du savoir, des astuces et des réflexions de tous. 🙂

  2. J’ai lu avec grand intérêt cet article et je me pose une question.
    pourrait-on faire un sillet de tête de guitare classique avec un bois dur comme de l’ébène ou du buis par exemple ?

    • Rien ne s’y oppose a priori. En effet, plus le bois va être dur, plus les qualités de résistance à l’usure (par le frotement des cordes) et de transmission des vibrations vont jouer en positif. Maintenant, c’est à tester.
      Sur un sillet, qui est une pièce facile à « usiner », cela semble un bon test.

      Si vous tentez l’expérience, n’hésitez pas à venir partager vos impressions (j’avoue que le buis est particulièrement intriguant, vu la très grande dureté de ce matériau).

  3. merci pour votre réponse, je vais tenter l’expérience et vous en ferai part dès que possible. je précise que je ne suis ni guitariste ni luthier mais simplement amateur passionné et avec deux amis qui jouent , un vraiment classique, l’autre plutôt variété ( Brassens à fond) nous allons essayer de fabriquer une classique.
    Nous aurons donc besoin de conseils malgré un bon bouquin, le Courtnall. et la multitude de vidéos sur internet.
    Avec un peu de chance c’est une belle aventure qui commence.
    J’ai un atelier avec quasiment tout le matériel nécessaire au travail du bois, ça va aider.
    A bientôt.

  4. Pingback: Réparation d’un sillet… à l’arrache. | The Guitar Geek Garage

  5. J’ai de l’os (sans doute Aurochs, du sanglier et du cerf), vieux d’environ 6 à 8 000 ans. Il n’est donc pas fossilisé, mais très sec et en bon état.
    Pensez-vous qu’il soit transformable en sillet ? Ou la qualité sera médiocre ?
    J’ai une pelle à 600€, il vaut sans doute mieux que je l’apporte à un luthier pour mettre le sillet en forme, non ?

    • Il n’y a pas de raison pour que ça ne fonctionne pas, mais un véritable luthier vous apportera les réponses à ce niveau. Il est clair que la mise en forme d’un sillet est une opération un tantinet complexe et précise. Demandant aussi un outillage spécifique (en particulier pour les gorges).

      En ce qui concerne le prix de la guitare, ça n’est en rien un frein pour moi, bien au contraire : une guitare de faible coût, si elle vous plaît, mérite que vous lui donniez plus, afin qu’elle se hisse vers des niveaux supérieurs. Le prix est une chimère : certaines guitares à 3000€ sont des miroirs aux alouettes, alors que certaines guitares d’entrée de gamme vous séduisent immédiatement. Pas de règles, juste ce que vous ressentez 🙂

  6. Merci pour cet article très intéressant. Le sillet est en effet un des éléments les plus négligés par de nombreux professionnels, pour ne pas parler des « régleurs » dans les magasins… « beh non ! ça change rien à la justesse, la hauteur ! Quand tu frettes la corde c’est comme si le sillet existait plus ! »… On se fâche pas, tu retires juste ton gros « beh non ! », tu changes ton regard qui me traite de con, et après je t’explique et je te montre. 😉

    « …ce qui aboutit à un manque de justesse principalement sur les accords mélangeant cordes frettées et cordes « à vide ».

    This sentence is music to my ears… J’entends beaucoup mieux que je ne joue, j’ai donc eu beaucoup de mal à me faire… « entendre », et fini par acheter un bon jeu de limes… 🙂

    Juste une remarque et une question :

    R : un autre inconvénient, de taille…, à l’ivoire, c’est qu’il faut tuer des éléphants. Désolé pour ma sensiblerie mais j’aime pas trop. Il n’est pas né que pour faire des touches de piano, des sillets et des bracelets à la Sarko, c’t’animal étonnant ! :/

    Q : il y a sûrement une raison mais je ne la vois pas : en quoi une corde « noyée » dans le sillet est-elle un problème ? J’ai effectivement vu cette règle de la moitié du diamètre de la corde sur beaucoup de sites mais je n’ai jamais trouvé de justification.

    Si ça a une importance, je n’ai que des guitares à cordes nylon, sillets Tusq.

    Merci !

    Francis

  7. Pour régler la profondeur de l’encoche, j’utilise une cale en métal de la même hauteur que la frette du haut , bien plaquée contre l’arrondi du manche. Ça empêche de descendre trop bas avec la lime. Dites moi si vous avez un meilleur plan.
    Et merci à l’auteur pour ce blog, bien précis.

    • Super astuce ! J’utilise la technique du 1/2 crayon à papier : posé sur les 2-3 premières frettes, marque la courbure du manche sur le sillet et indique la limite à ne pas dépasser.

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