Le sillet (2ème partie)


La suite du passionnant article sur le sillet (qui a rigolé?), avec les matériaux.

Non, pas ceux qu’on vend chez Gedimat; les matériaux nobles, comme le plastique ou l’ornithorynque.

De nombreux avis circulent sur l’influence du matériau utilisé pour fabriquer le sillet, et sur l’intérêt d’une lubrification des encoches destinées aux cordes.

Autant le choix du matériau reste assez subjectif, chacun ayant ses préférences personnelles, autant il apparaît qu’un des points cruciaux pour la tenue de l’accord soit bel et bien la glisse des cordes dans les encoches. Voici un petit aperçu non exhaustif des types de sillet que vous pourrez trouver dans le commerce.

les traditionnels

le plastique (crap) :

Le plastique, c'est fantastique, mais pas pour le sillet

Le plastique, c’est fantastique, mais pas pour le sillet.

d’origine sur la plupart des guitares d’entrée et de milieu de gamme, il remplit la plupart des fonctions du sillet (position des cordes, action) sans avoir de qualités particulières au niveau du son ou de la justesse. Un type de plastique « connu » est le Delrin™, une marque de Dupont de Nemours™ qui correspond au polyoxyméthylène (POM).

Pour : le prix très bas, facile à travailler, existe en toutes tailles avec les encoches déjà présentes. Peut avoir de légères propriétés antiadhésives.

Contre : tonalité plate voire « boueuse » (« muddy »), le sillet est parfois creux ce qui nuit aux propriétés mécaniques de la bête, sustain et transmission des vibration faibles.

l’os (bone) :

L'os, la Rolls du sillet.

L’os, la Rolls du sillet.

le sillet typique des guitares de bonne qualité, l’os a des qualités tonales reconnues par l’ensemble de la profession.

Pour : son chaud et brillant à la fois, définition accrue dans tous les registres, très résistant à l’usure et très bonne transmission des vibrations et très bon sustain.

Contre : il faut parfois le faire faire sur mesure par un luthier à moins d’avoir une gratte super-standard (Strato ou Les Paul), et dégage une odeur désagréable en étant travaillé (vous aimez la roulette chez le dentiste?). Bon, on mégote, il n’y a pas vraiment de défaut à l’os à par son manque de lubrification, facilement contournable. Ah si : comme c’est de l’os, il y a une certaine inconsistance dans le matériau, en fonction de chaque os dans lequel on a prélevé le sillet.

l’ivoire (ivory) :

L'ivoire, ou la préhistoire au bout de votre mangue.

L’ivoire, ou la préhistoire au bout de votre manche.

très proche de l’os dans ses qualités mécaniques. Petite précision : il s’agit d’ivoire de mammouth (espèce déjà éteinte) car le commerce d’ivoire d’éléphant est extrêmement réglementé depuis longtemps (1976 je crois), l’espèce étant en voie d’extinction à cause, précisément, du trafic d’ivoire. L’ivoire d’éléphant vaut donc très cher, on utilise donc généralement de l’ivoire fossilisé. Ultra-cher aussi, d’ailleurs.

Pour : Le son semble chaud et doux, d’après les retours des utilisateurs, il est également très résistant à l’usure, transmet bien les vibrations et offre un bon sustain.

Contre : sur mesure et cher. Pas de lubrification.

l’ébène (ebony) :

Du beau bois… un peu l’aristocratie du sillet.

un bois très dur et très noble dans la lutherie. Enfin, pour les violons.  Et les contrebasses par exemple…

Pour : sonorité intéressant, principalement dans les fréquences médium.

Contre : Certains disent qu’il s’use vite, d’autres qu’ils n’ont pas constaté d’usure (surtout chez les bassistes). Apparemment un peu dur à travailler. Non lubrifié.

les composites

Bon, là on rentre dans la technologie au service de la gratte. Non, pas le plastique, les autres trucs.

le micarta (idem) :

Le mircarta, utilisé par Martin et vendu chez StewMac. Apparemment, un substitut synthétique à l’os.

« Le Micarta est un matériau composite à base de papier ou de coton mélangé avec de la résine phénolique » (source Wikipedia). Houla, ça fait flipper, non? Et bien non. Ce n’est pas une matière très noble, mais si des fabricants comme Martin l’utilisent, ça doit pas être si pire*…

Pour : ils en vendent chez StewMac, ça doit valoir quelque chose. Je suis curieux d’avoir des avis dessus. Jamais testé. Il semblerait que ce soit assez pratique à travailler. Surtout en grande série (suivez mon regard).

Contre : apparemment, ça manque de sustain et de définition. Oui, comme le plastique. Non lubrifié.

le corian™ (idem) :

Le Corian™ et ses coloris. Je crois qu’il en existe de bien plus rigolos. Bien entendu, c’est total copyright Dupont de Nemours®.

bon, là on est carrément dans le matériau qui sert à fabriquer les plans de travail.

Solide, probablement.

Résistant au feu, sûrement.

Minéral de synthèse fabriqué par Dupont de Nemours®, ça tape, non? Le coup du minéral de synthèse, hein.

Pour : sond rond, sustain accru, résonnant. Côté fun : disponible en un tas de couleurs chatoyantes et bigarrées. Utilisé par de grandes marques de grattes. Et aussi proposé par Warmoth, qui sont tout sauf des guignols. Se travaille comme l’os. Mais pue moins.

Contre : un poil cher passé le simple échantillon si on veut un coloris spécifique. Non lubrifié.

l’ivoire de synthèse (Tusq™) :

Le Tusq™, ivoire synthétique fabriqué par Graph Tech®. Un classique.

bien que la traduction de tusq soit « défense », un certain fabricant de pièces pour guitare (bon, allez, j’ai des actions chez personne, c’est Graph Tech) propose ce matériau, très populaire chez les fabricants et les guitaristes.

A noter, existe aussi en version lubrifiée, se reporter à la section suivante pour plus d’information.

Pour : son chaud avec une définition accentuée des basses et les « high mids ». Bon sustain et bonne transmission des vibrations. Existe dans tout un tas de formats pour remplacer directement le sillet de VOTRE guitare.

Contre : très loin du véritable ivoire, d’après les ultra-bourgeois qui ont un sillet en vrai ivoire d’éléphanteau tué sous la mère. Ils ont sûrement raison, mais il est difficile de casser son PEL pour le vérifier.

Les auto-lubrifiés

Eh oui, le grand truc qui manque aux matériaux précédents, c’est la lubrification (vous suivez, ou pas?) Il y a des moyens pour améliorer ça (prochain article de TGGG), mais le plus simple est probablement d’intégrer le lubrifiant directement dans le matériau lui-même, se sont dit les fabricants, pas cons.

D’autant que certains matériaux sont naturellement glissants (c’est fou, non?)

le graphite (idem) :

Un sillet graphite de chez DiMarzio®. Image Woodbrass.

ah, ben tout simplement. Ce bon vieux carbone. Eh oui, sous cette forme, le carbone est glissant, et donc « auto-lubrifié ».

Pour : auto-lubrifié, bonne densité, bon sustain. Très utile devant une frette zéro. Très durable, en plus ça stocke du carbone, donc c’est écolo. Ben quoi?

Contre : Son décrit comme parfois assez « étroit ».

le TUSQ XL™ (idem) :

Le logo du Tusq XL™, une marque de Graph Tech.

c’est la version lubrifiée du TUSQ, l’ivoire artificiel fabriqué par Graph Tech (mais si, vous venez de le lire, suivez un peu !).

Ils ont tout simplement incorporé du Téflon™ (une des matière les plus glissantes au monde) à leur Tusq™.

Originellement noir, le Tusq XL est maintenant disponible en blanc et ivoire aussi : c’est pas wonderful, ça?

Pour : auto-lubrifié, bon comportement sonore.

Contre : finit par s’user si on est un super-pro qui tourne 200 jours par an.

le Téflon™ (Teflon®™)

Le Teflon™, super dans ma poêle, bien aussi dans mon sillet…

le bon vieux revêtement de nos poêles antiadhésives, aussi appelé Polytétrafluoroéthylène (à vos souhaits) ou PTFE.

On l’utilise noyé dans la masse du sillet (ce qui permet de garder la lubrification en retravaillant le sillet) ou bien sous forme de graisse à mettre dans les encoches de sillet afin d’en faciliter la glisse. Ah oui, c’est encore un brevet Dupont de Nemours™ appliqué au sillet. Ils sont partout.

Pour : ben, ça glisse.

Contre : ben, tout seul, ça fait pas un sillet… Autrement dit, vous ne le trouverez que chez certains fabricants.

Earvana

Deux sillets de type Earvana™. Franchement, moi, je suis fan.

la même chose que le Tusq XL, grosso modo, sauf que le sillet est compensé, on en reparlera plus loin.

Ils déclarent que la matériau utilisé est 5 fois plus glissant que le graphite C’est possible.

En tout cas, c’est très correct (opinion personnelle) et en plus la guitare est juste, enfin. (à noter, ils viennent de proposer une version « bloc-cordes » que je vais tester sous peu, à suivre).

Pour : sonne à mi-chemin entre l’os et le graphite. Pas si mal, pour un truc qui est avant tout une amélioration de l’intonation.

Contre : pas cool si vous avez une gratte pas standard,vous devrez vous tourner vers la version »retro-fit » que je trouve assez inesthétique. Enfin, ça reste un sillet, hein…

D’autres matériaux composites existent, ou émergeront dans les prochaines années ‘Techron, et tout un tas d’autres matériaux qu’on peut tester pour la fabrication d’un sillet.

Les métalliques

le laiton (brass)

Le laiton, un métal totalement Steampunk. Bon, on fait des saxophones avec, aussi….

un classique de ceux qui veulent se rapprocher du son fretté

Pour : sustain énorme, sonorité très froide mais très définie dans les basses, bonne transmission des vibrations. Considéré comme assez bon lubrifiant.

Contre : la sonorité peut ne pas plaire.

l’aluminium (aluminum aux US, idem en GB) :

Sillet en aluminium : la haute technologie mise dans une guitare….

utilisé dans l’aerospatiale, quelques originaux ont souhaité essayer ce matériau pour tout faire : des corps de guitare, des manches, des cordiers, et aussi des sillets. Parfois utilisé en alliage avec le laiton.

Pour : très proche d’une frette zéro, sustain, brillance, métaaaaal !

Contre : à moins d »être tourneur-fraiseur dans l’industrie, vous aurez du mal à trouver un sillet pour votre gratte.

le block cordes (locking nut)

Sillet bloc-cordes, utile si on utilise le vibrato de façon intensive.

Sillet bloc-cordes, utile si on utilise le vibrato de façon intensive.

indissociable du vibrato de type Floyd Rose™, ce sillet en métal (acier) a pour principal intérêt de… Tadaaaa ! Oui, bloquer les cordes (oh surprise).

A l’aide de trois palets presseurs serrés contre le sillet par des vis à tête hexagonale (ce qui justifie de se promener avec un set de clés allen avec soi), ce sillet va maintenir les cordes au niveau de la tête aussi sûrement que le chevalet les retient à l’autre bout, permettant toutes les fantaisies au vibrato, que les cordes soient tirées ou poussées…

A noter : pour que ce sillet fonctionne bien, la présence d’une barre de rétention sur la tête est indispensable afin que les cordes fassent un angle suffisant pour plaquer les cordes au sillet. Sinon, des phénomènes parasites sont parfois à déplorer (résonances induites, buzz etc.)

Pour : allez-y à fond, ce sillet vous permet toutes les fantaisies acrobatiques.

Contre : quasi-impossible à modifier. A traiter avec délicatesse (ne pas serrer les palets trop fort)

le « roller nut » (idem)

Quitte à ce que les cordes glissent, autant qu’elles le fassent sur des roulettes, non? C’est le principe du « roller nut ».

Un roller nut ABM, disponible chez Thomann à qui j’ai piqué la photo. Honte sur moi.

Existe chez un certain nombre de fabricants : Fender (le très fameux LSR™), Wilkinson (inventeur du concept me semble-t-il, apparemment ce modèle n’est plus en vente), ABM (vous non plus ne connaissiez pas cette marque?). Ce sillet remplit donc la double fonction de frette zéro et de sillet « lubrifié » puisque les cordes reposent sur les rouleaux qui empêchent toute forme de blocage de la corde dans les gorges du sillet.

Pour : améliore franchement la glisse des cordes au niveau du sillet, bon sustain, tonalité frette zéro ou laiton.

Contre : prix, impose parfois une modification du manche irréversible.

Une petite précision, toutefois : le sillet n’influence, bien entendu, que la tonalité des cordes « à vide ». Ça semble évident une fois dit, mais certains semblent lui donner des propriétés magiques.

Quand une corde est frettée, c’est la frette qui donne la tonalité et non plus le sillet. L’influence tonale du sillet est donc limitée à… 6 notes par manche !

Autrement dit, autant privilégier les sillets lubrifiés et/ou compensés, à mon humble avis. Reste leur usure prématurée, dixit Guthrie Govan (qui est loin d’être un manchot) en conditions d’utilisation intensive. Lui privilégie un sillet en os avec la fameuse « nut sauce ».

C’est quoi? Vous le verrez lors du prochain article 🙂

* oui, la faute de français est volontaire. J’aime pas trop beaucoup qu’on me critique, de plus.

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4 réflexions sur “Le sillet (2ème partie)

  1. Pingback: Le sillet (3ème partie) | The Guitar Geek Garage

  2. Pour info le PTFE (téflon) ne se trouve pas juste en graisse. C’est une matière plastique au même titre que le POM (Delrin) que l’on peut trouver en plaque. Le PTFE est auto lubrifiant donc très bon glissement en effet (coef de frottement < 0,1) pour la dureté (lié à l'amortissement des vibrations, moins c'est dur moins ça vibre en théorie) il est moins dur que du POM ou que l'os.

    Pour le son on peut toujours essayer pour se faire une idée.

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